Il vaut mieux en rire

« Je pratique l’autodérision. La dérision n’a d’intérêt que si on se l’applique à soi-même. Sinon, c’est de la cruauté. »

Gérard Collomb

 

Victoria a repris le chemin de son tunnel. Elle jongle entre son nouveau poste, sa vie de famille et son parcours de PMA (procréation médicale assistée). Elle court, elle court, elle est hyperactive, hyper occupée, hyperémotive. Elle a 40 ans dans quelques semaines.

Il paraît qu’un peu d’autodérision ne nuit pas….

J’ai donc décidé aujourd’hui de vous faire rire ou à minima sourire à mes dépens. C’est aussi l’occasion de vous prouver à quel point l’enfermement peut vous amener à des situations loufoques. Ainsi pour faire référence à la citation de Robert SABATIER d’un de mes post Facebook de la semaine : en construisant ma « citadelle » j’ai « enfermé le monde au-dehors. »

Oui, oui à cette période j’ai laissé le monde au-dehors et ainsi vécu de grands moments de solitude.

Je crois qu’il serait de bon ton de vous raconter un de ces fameux moments. Voilà donc une jolie et rigolote anecdote qui eut lieu pendant cette période de premier transfert.

Je suis en poste sur une nouvelle mission depuis quelques mois. La prise de fonction a été compliquée (je vous raconterai dans un prochain article cette prise de poste fascinante dans la compréhension de l’être humain 🙂 ), je cherche mes marques.

Mes 40 ans arrivent à grands pas et seuls les sourds ne le savent pas. Je le répète en boucle comme un mantra, comme pour me rappeler que la ligne d’arrivée n’est plus très loin. La ligne d’arrivée ? Ben oui celle de l’horloge biologique. Après 40 ans, THE END, plus de bébé.

Je suis sous hormones je ne maîtrise plus mon corps et je maîtrise mes émotions tant bien que mal. Le transfert d’embryons a lieu demain, vendredi. Samedi je dois travailler, encore ! Je suis en plein marathon depuis 6 mois. Les semaines n’en finissent pas. Je dois pourtant lâcher prise et me reposer tout le week-end. Au milieu de mes émotions, de ma culpabilité, de mon syndrome de la « première de la classe », je ne cesse de me dire que l’équipe peut gérer sans moi. L’équipe assure. Je dois être sereine, je peux m’absenter, le boulot sera fait. Personne ne m’en tiendra rigueur et surtout pas mon N+1.

Oui, quelques mois après ma prise de fonction, j’ai eu un nouveau manager. Un super boss, une perle, ce genre de manager qui vous inspire, qui vous donne envie d’avancer et de déplacer des montagnes. On en rencontre un, peut-être deux dans une carrière. J’avais donc le plaisir de travailler et d’être manager par ce type de personne depuis 4 mois. J’étais dans un climat serein. J’avais sa confiance et je lui faisais confiance. J’étais dans un contexte rassurant pour me lancer à nouveau dans mes projets personnels.

Je suis en train de planifier et verrouiller les prochaines journées de travail lorsque nous apprenons qu’il quitte le navire. Il démissionne pour saisir une « opportunité qu’il ne pouvait refuser ».

Pas de problème ! C’est la règle du jeu, le monde du travail. Voilà une belle rencontre qui m’a permis de reprendre des forces. Sans surprise, il me demande de passer le voir. Il va m’annoncer officiellement cette information qui a déjà été dévoilée. Parfait ce sera l’occasion pour moi de le remercier et lui souhaiter bonne chance.

« Tranquilo » disent les espagnols 🙂 Et bien moi j’y vais « tranquilo », je traverse la cours de ce beau bâtiment où sont situés nos bureaux. Je suis de bonne humeur, il fait beau. Bref je suis calme. J’ai ingurgité une tonne d’hormones depuis des mois, je suis dans une phase « posée ». Je ne sais pas encore que ces dernières n’ont pas fini de me jouer des tours.

Je rentre dans son bureau, je m’installe à sa table de réunion. Je suis assise en face à lui, je l’écoute, prête à dégainer mes remerciements. Mais voilà qu’il se met à me féliciter et me complimenter sur mon travail et ma personnalité. Il est factuel et professionnel.

J’ouvre des yeux ronds. Tout d’abord, surprise. Des compliments ? Ah bon ? Je n’aurais pas imaginé. Oui, vous savez bien, ce fameux syndrome de l’imposteur : je bosse comme une damnée, j’ai des idées, je les exprime mais je n’imagine pas un seul instant que cela suffise. Je ne suis qu’une fourmi parmi d’autres. Juste pour rappel, nous sommes dans mes perceptions donc je vous passe les détails (Magnifique est la force de notre imagination 🙂 )

Puis, je suis touchée…Des félicitations ? Au secours, nooooon ! Ce n’est pas le moment ! Ma sensibilité, que dis-je ma sensiblerie est mise à rude épreuve. Et là c’est le drame ! Snif et…les larmes se mettent à couler. Quelle honte ! Qu’est-ce que vous voulez que je lui dise ? Désolée ce sont les hormones ? Je ne supporte pas la gentillesse quand je suis dans cet état. Je deviens un chamallow. Et non ça ne le faisait pas alors j’ai dit « merci, je suis désolée mais je dois y aller »

Vous imaginez bien que tout le monde a cru que j’avais pleuré car il partait. Lui inclut j’imagine. Tant mieux pour son ego, tant pis pour le mien. Je ne le saurais jamais 🙂

Voilà comment j’ai vécu un des plus grands moments de solitude de mon existence.

Gérer mon émotivité, gérer mes émotions, oui j’y ai travaillé, la respiration, l’hypnose, le sport et j’en passe. Avec plus ou moins de réussite en fonction des situations mais avec des hormones dans le corps autant vous dire que c’est la traversée du désert en pleine tempête de sable.

Ce jour-là, lorsque je suis sortie de ce bureau, je suis retournée à mon obsession. J’ai enfermé le monde à l’extérieur et renforcé ma citadelle.

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2 réflexions sur “ Il vaut mieux en rire ”

  • 24 février 2018 à 6 h 40 min
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    Ma chère Victoria, j’adore la manière dont vous parlez de vous, en même temps vous faites sourire et vous donnez envie de pleurer. Je ne me lasse pas pas de vous lire car j’attends toujours une suite. Merci

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