Le courage de ses peurs

« J’ai appris que le courage n’est pas l’absence de peur, mais la capacité de la vaincre. » Nelson Mandela

Nous sommes en 2004, Victoria décide de poursuivre sa thérapie avec le Dr Rocat. Elle enchaîne les rendez-vous et chaque  séance apporte son lot de remises en question. Lentement elle fait son chemin.

Je suis assidue et sérieuse mais ça vous l’aviez compris n’est-ce pas ? Je suis « La voix de la sagesse » ce qui implique que j’ai le syndrome de la première de la classe. Je veux être parfaite même en tant que patiente. Je suis donc une patiente modèle.

Toutes les semaines, je me rends au cabinet du Dr ROCAT où je déballe ma vie. Mon enfance au Maroc, mon arrivée à Paris, ma vie d’étudiante, je n’ai pas de secret pour cette étrangère. Je me libère et parle avec elle comme je ne le fais jamais avec personne. Je découvre ainsi que, si je sais écouter, je n’ai jamais vraiment dévoilé mon cœur. Je n’ai jamais posé un genou à terre et libéré ma parole. Dans cet endroit feutré, qui semble garder tous les secrets, je baisse enfin la garde et délivre mon cœur de mes angoisses.

Elle pose des questions, je réponds. Elle oriente ma réflexion et m’amène systématiquement à rechercher les réponses en moi. Et comme je vous l’ai dit dans « Quand débute la thérapie » elles sont là. Encore faut-il que j’accepte de voir la vérité en face : MA vérité.

Au cours de nos échanges je découvre la signification de deux mots très liés. Des mots que nous utilisons, chaque jour, sans nous rendre compte de leur impact sur notre fonctionnement et celui de notre entourage.

LA PEUR vs LE COURAGE

Pourquoi la peur ? Tout le monde sait ce qu’est la peur n’est-ce pas ? Je ne vais quand même pas vous définir ce mot aujourd’hui ! Et pourtant il a fallu que le Dr ROCAT le fasse. Évidemment, elle n’est pas allée me chercher le Larousse et fait la lecture.

Pourquoi le courage? Parce que « A cœur vaillant rien d’impossible » et moi je n’ai peur de rien, je suis un valeureux guerrier version féminine.

Rappelons donc quelques faits.

A la fin de la première séance, elle me demandait si j’étais « aujourd’hui là où j’avais envie d’être lorsque j’étais petite fille? »  Vous vous en souvenez non ?

Spontanément je n’ai pas su répondre. Il ne me fallut malheureusement pas longtemps pour réaliser que non. Bien sûr que non, sinon je ne serai pas là à me torturer l’esprit pour essayer de comprendre pourquoi je souffrais !

Non, je n’étais pas du tout là où je rêvais d’être lorsque j’étais petite.

En effet, enfant, puis adolescente, j’avais envie de sauver les opprimés, défendre la veuve et l’orphelin. Je ne me marierais jamais. J’aurais une carrière, une voiture (très important la voiture! elle est la clé de la liberté), mon indépendance. Bref je serais une femme libre.

A cet instant précis, 28 ans, mariée depuis presque 4 ans,  je faisais donc le constat de ne pas être à ma place. Je ne me retrouvais pas dans les gens que je fréquentais. La vie de couple que je construisais ne me convenait pas. Le contexte dans lequel je vivais ne m’amènerai jamais à être cette superwoman. J’étais plutôt esclave de ma vie.

Mais comment en étais-je arrivée là ? Pourquoi avais-je choisi ce mari, cette vie qui ne me ressemblait pas ?

Remontons encore plus loin, j’avais quitté mes parents à 17 ans pour venir à Paris : plongeon dans le vide. Je suis l’aînée, je suis la courageuse de la famille, je suis une bagarreuse. Je serre les dents, je dois être un exemple, la fierté de mes parents, alors j’avance….poussée par le courage.

Les deux premières années à Paris, j’ai un petit ami ultra protecteur qui m’accompagne partout m’évitant ainsi les transports parisiens que je déteste. Protégée par lui, intégrée dans sa famille, je suis en sécurité. Mais il est en colère, il gronde, il crie, la violence est en lui. Je refuse cette relation destructrice. C’est la séparation. L’angoisse de la solitude parisienne m’étreint à nouveau. Mon courage reprend encore le dessus: hors de question que je me laisse enfermer par un homme, hors de question de me comporter comme une midinette. Et pourtant je pleure beaucoup. J’ai un gros chagrin d’amour, le premier, le vrai, celui qu’on a à l’adolescence. Vous connaissez n’est ce pas?  Ah « si jeunesse savait, si vieillesse pouvait »!

Vous me suivez toujours?

Un an plus tard, rencontre avec celui qui sera mon premier mari. Costaud, silencieux, force tranquille, le contexte est rassurant. Sa famille est merveilleuse et m’accepte à bras ouverts. Je suis installée dans un cocon où je suis la belle-fille idéale, la belle-sœur idéale. Je vais bientôt prendre le rôle de la femme idéale et enfiler ma robe de femme parfaite. Bree Van de Kamp sort de ce corps! Rien ni personne ne peut m’atteindre. Mon courage m’a mené jusqu’ici, dans une oasis de sécurité.

Au fil de nos discussions avec le Dr ROCAT, je comprends vite que la réalité est toute autre. Mon moteur n’est pas le courage. J’ai la peur au ventre, accrochée à mes baskets. C’est elle qui me dirige. Elle est installée au fond de moi, personne ne doit savoir. Je prends mes décisions poussée par la peur.

Morte de trouille quand j’ai quitté mes parents. Surprotégée, j’étais bien installée dans mon « berceau » sur un fleuve tranquille et tout à coup sans préparation, on m’a jeté à l’eau. Ben figurez vous que je ne savais pas nager les enfants. Seule la peur (ma copine) m’a permis de garder la tête hors de l’eau.

Vous allez me dire: mais non, mais non, ce n’est pas la peur qui t’a tenu mais bien ton courage! Je ne me leurre pas. Décision difficile certes, mais regarder la vérité en face est plus souvent une délivrance. Et j’ai du admettre.

Je ne reviendrais jamais sur le fait que je suis une femme courageuse. [Oui, les quadras s’accordent des qualités. Il est temps non? Et celles qui ne le font pas, il faut vous y mettre d’urgence.]

Et lorsque j’ai mis le mot PEUR sur mes émotions c’est comme si j’avais ouvert une fenêtre et fait rentrer la lumière dans une pièce envahie par la pénombre.

Tout s’est illuminé et j’ai vu clairement. En mettant un mot sur cette émotion, je l’ai identifié, je l’ai comprise, je l’ai apprivoisé et j’ai appris à vivre avec. Elle avait été présente à chaque grand changement dans ma vie. J’avais fait mes choix pour étouffer ma peur et non pas pour atteindre mes rêves.

Désormais elle ne serait plus mon fardeau mais plutôt mon moteur.

Je n’étais ni peureuse, ni courageuse. J’étais juste une jeune femme qui avait oublié d’écouter la petite fille qu’elle avait été.

J’ai alors tendu la main à la petite Victoria.

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