La chasse est ouverte

« Personne ne peut vous faire sentir inférieur sans votre consentement. »
Eleanor Roosevelt

Victoria est fatiguée. Ces dernières années ont été épuisantes moralement, professionnellement mais aussi passionnantes et intenses. De retour de son congé maternité, sa direction ne lui facilite pas la tâche. Elle ne se sent plus à sa place et décide,  de « prendre de la hauteur » pour réfléchir sereinement à la suite de son parcours. Problème d’égo ? Juger son prochain ? Quelle perte de temps et pourtant….

Je voudrais être parfaite. Je voudrais réussir en entreprise, être une maman modèle, une épouse dévouée. Et pourtant mon seul ressenti depuis ma reprise est la sensation d’être prise au piège. Oui, je n’avais pas le choix ! Je n’avais plus le choix ! J’avais des responsabilités. Une petite fille pour qui il fallait être un modèle, travailler pour pouvoir tout lui offrir, être présente pour la surveiller et l’accompagner.

Oh my God ! Comment vais-je faire?

Je réfléchissais à toutes les options, raisonnables et déraisonnables. Donner ma démission et partir en courant sans me retourner. Ça lui ferait les pieds à mon boss qui me prenait la tête !

Sérieux ? « Qui suis-je pour juger » certes mais il fallait que je garde la tête froide ! Vouloir mettre quelqu’un en galère, en général, c’est surtout pour notre égo ! Et finalement c’est surtout « l’arroseur arrosé ». Dans le cadre d’une entreprise c’est encore plus flagrant ! L’entreprise continuera d’exister « malgré » votre absence et tant mieux d’ailleurs ! Alors à tous ceux qui se la racontent, prenez votre courage à deux mains et cassez-vous.

« Le cimetière est rempli de personnes indispensables » !

Je remis donc, mon égo à sa place et décidais que j’irais bosser ailleurs. J’appuyais sur la touche « recherche d’emploi » tranquillement, sans me presser et profitais de ma fille. J’avais par ailleurs une petite idée derrière la tête. Après tout Emma étant arrivée «naturellement » j’allais peut être avoir mon 2eme dans la foulée. Et ça…c’est un autre sujet…..

Je reprenais donc tranquillement mon petit bonhomme de chemin. J’étais dans cet état d’esprit lorsque le « ciel » me fit signe :).

Je vous rappelle (ou pas) que je suis dans le milieu de l’enseignement. J’en étais à ma seconde entreprise, 12 ans d’expérience professionnelle et persuadée que j’avais fait le tour. J’avais 34 ans.

Une journée de printemps, une conversation téléphonique avec une copine, ancienne collègue, elle avait été contactée par un cabinet de recrutement. Le poste proposé ne lui correspondait pas, elle donna mon nom. Merci l’amitié, merci le réseau.

Ce n’était qu’un contact, il ne m’appellerait peut être jamais. Mais peu importe une première porte s’ouvrait, une première bouffée d’air frais venait de s’engouffrer dans ma vie.

Me voilà à attendre un appel improbable. Et le téléphone sonne !

Monsieur GRAND, chasseur de tête de son état, me présenta rapidement une offre de poste au sein d’une école d’ingénieurs. Je travaillais depuis 12 ans au sein d’écoles de commerce, je ne connaissais pas du tout ce public. Magnifique, moi qui avais besoin de changement, ça se présentait bien.

J’étais directrice d’une école, il me proposait un poste de responsable de département. Il s’assura au téléphone que ce point de ne me posait pas de problème. Ce n’était pas un sujet pour moi !

Si vous me suivez depuis le début, je ne vous l’ai pas encore dit et il faut que vous le sachiez : j’adore mon job ! Je suis passionnée par mon métier. Oui, mesdames et messieurs, je crois que c’est suffisamment rare pour le souligner, non ? J’aime travailler avec les étudiants, les accompagner, les aider dans leurs réflexions. « Rentrer »dans l’enseignement supérieur est un moment charnière dans leur vie. Un  carrefour entre l’enfance et la vie d’adulte, où il faut trouver le chemin vers la vie qui leur correspond.

C’était ma certitude à 34 ans, ça l’était depuis que j’avais commencé dans ce secteur, ça l’est toujours aujourd’hui à 41 ans.

Donc, si vous suivez toujours, ma préoccupation principale était de trouver un travail où j’allais m’amuser et y mettre tout mon cœur. Alors franchement, directrice ou responsable quelle importance !

« Prendre son travail au sérieux, sans jamais se prendre au sérieux ! » Voilà ma devise J

J’acceptais de le rencontrer sans trop y croire. Après tout je n’avais rien à perdre, à minima j’allais pouvoir échanger avec un nouvel interlocuteur.

Le rendez-vous fut pris avec Monsieur GRAND. Je devais toutefois passer par un test d’aptitudes professionnelles à faire avant notre entrevue.

Je m’y attelais donc sérieusement, comme d’habitude 🙂

7h45 du matin en banlieue parisienne, le mouvement s’accélère doucement, les rues s’éveillent tranquillement. Il fait beau, le ciel est bleu, l’air respirable. C’est une belle journée qui s’annonce. J’arrive à l’adresse indiquée le cœur léger, prête à me présenter et écouter les opportunités. Je ne mets pas tous mes espoirs dans cet entretien. Je suis confiante parce qu’il se passera ce qui doit se passer. Droite dans mes bottes, honnête (parce que je ne sais pas faire autrement), je ne joue pas ma vie. Cette dernière est ailleurs…à la maison auprès de mon mari et ma fille (et mon chien…pour ceux qui comprennent l’amour des bêtes). 🙂

Monsieur GRAND est…grand, souriant, mince et élégant. Il me met tout de suite à l’aise et nous voilà à discuter à bâtons rompus pendant près d’1h30. Je me présente, lui raconte mon parcours professionnel. Je reste mesurée, toutefois, sur la situation actuelle, indiquant quand même que je reviens d’un congé maternité et que le contexte n’est pas simple.

Nous débriefons sur les résultats de mon test d’aptitude et là ô surprise, je suis un très bon élément « dotée d’une forte capacité au travail et une grande résistance au stress ». J’écoute cet homme que je ne connaissais pas une heure avant, m’expliquer et me décrire mon profil tel qu’il est. Et il est tel, que je ne me suis jamais autorisée à le voir et à le présenter. Ouah ! Autant de compliments en si peu de temps ? Entre les résultats du test et les contrôles de référence auprès de mes anciens collègues,  je découvrais une Victoria que je ne connaissais pas. Je découvrais aussi que finalement l’altruisme, l’ouverture, la stabilité émotionnelle étaient des qualités identifiées et appréciées dans l’entreprise. Mon expérience professionnelle était certes indispensable mais je pouvais faire la différence avec ce que j’étais intrinsèquement. Et ça, personne ne vous l’apprend pendant vos études, en tout cas pas à mon époque. Aucune des rencontres que j’avais faite jusque-là ne m’avait laissé apercevoir cet aspect du monde de l’entreprise.

Je venais de découvrir l’importance de l’estime de soi. Nathaniel Branden la définit très bien : « L’estime de soi, c’est la réputation qu’on a de soi-même. » Il semble que j’avais vraiment très mauvaise réputation à mes yeux. C’était mal engagé pour « bibi »:)
L’entretien se finit par un « je fais un retour à mon client et reviens vers vous. Toutefois, madame, je vous conseille, si cette opportunité dans l’école d’ingénieur n’aboutit pas, de quitter l’entreprise dans laquelle vous êtes. Le contexte dans lequel vous évoluez n’est pas bénéfique pour vous et vous fait perdre confiance en vous ».

Ce gars venait de me deviner, de me  décrypter. Monsieur GRAND venait de changer ma vie sans le savoir.

Lisbonne, ciel, 2017, oiseaux
Lisbonne 2017, le ciel est bleu

 

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3 réflexions sur “ La chasse est ouverte ”

  • 27 mars 2017 à 8 h 48 min
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    J’adore la façon dont vous vous racontez, j’attends toujours la suite avec impatience.

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  • 28 mars 2017 à 15 h 15 min
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    Chère Victoria, toujours un regal de te lire.
    Avoir la passion de son métier comme moteur quoi de mieux pour une Vie harmonieuse.
    Belle devise qui peut être adaptée à la vie. (Prendre sa Vie au serieux sans jamais se prendre au serieux).
    Bisous

    Réponse

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