« Il n’y a pas de honte à être heureux. Mais aujourd’hui l’imbécile est roi, et j’appelle imbécile celui qui a peur de jouir » Albert Camus
L’aventure « Emma » se poursuit. Pour Alex et Victoria il s’agit bien d’une nouvelle vie. Chacun trouve ses marques et s’installe dans son rôle de papa et de maman. Victoria, toujours dans l’inconnu, ne prend aucune décision sans demander son avis à son mari. Il est sa référence.
De retour à la maison après notre premier rendez-vous à la PMI (Protection Maternelle et Infantile), je suis un peu apaisée. Je ne suis pas prête à danser sur les tables et à chanter à tue-tête mais ça viendra…peut-être ou pas.
Pour l’heure, je dois m’organiser et ne pas me perdre dans cette fusion totale avec ma fille. Moi qui pensais reprendre le boulot au moins par téléphone, me rendre disponible s’il y avait des urgences à gérer. Autant vous dire que c’était hors de question! Les « problèmes » du bureau me paraissaient tellement superficiels. J’avais toujours eu du recul sur les choses, toujours fait preuve de maturité et de philosophie. Mais là, alors j’étais devenue complétement hermétique à toute futilité. La voix de la sagesse était en train de devenir….la voix du silence.
En plus de couver, j’étais en train d’hiberner. Hors de question que je sorte avec ma poupée fragile. Que je prenne la voiture pour aller me balader? Impossible même de l’envisager. Trop compliqué, trop dangereux. C’était une montagne infranchissable.
Seule satisfaction dans cette naissance prématurée et cette hibernation: j’avais perdu mes kilos de grossesse. Oui, on reste une fille quoi qu’il arrive.
Quelques coups de fil par ci, un peu de ménage par-là, beaucoup de câlins et moi, au fond,j’étais au top. Et j’avais bien envie de rester dans cette relation merveilleuse à profiter de ma fille.
Tout ça c’est bien joli, mais ne nous leurrons pas, je tournais en rond. A part Clark KENT et Loïs LANE que je suivais assidûment dans la série SMALLVILLE, je n’avais pas beaucoup d’autres occupations. On s’évade comme on peut, n’est-ce pas ? Je vous entends me dire : c’est tout ce que tu as trouvé à visionner à la tv ? Alors primo je suis addict aux séries et ensuite franchement vu le programme de l’après-midi, c’était plutôt pas mal. J’aurais pu choisir Derrick ou Arabesque ( petit clin d’œil à ceux qui comprennent cette référence).
Bref, tous les deux jours j’allais donc à la PMI afin de vérifier le poids d’Emma. Comme je vous l’expliquais dans « Le chemin vers soi », le centre dont je dépendais était fermé lors de mon premier rendez-vous. La seconde fois était donc une première rencontre avec le personnel de ce lieu dont la mission est « la protection de la mère et de l’enfant ».
Cette fois-ci j’y allais seule, à pied. Ouf ! Je n’étais pas obligée de prendre la voiture.
Il fait beau, il fait froid et pour y aller je dois longer le joli parc près de chez nous. Je n’ai pas encore eu l’occasion de visiter notre quartier. Nous y avons emménagé et quelques jours plus tard j’ai dû rester alitée. Je suis donc plutôt ravie de me balader sous le soleil glacial de janvier dans ce quartier familial. Un petit bonheur simple, je promène mon bébé dans son couffin. Telle une petite fille qui se régale à transporter sa poupée dans sa poussette, en se prenant pour « une grande ». Malgré cette sourde angoisse qui ne me quitte pas, je vis un rêve.
J’arrive donc dans ce temple du bébé. Le terme est un peu fort mais pour moi c’est un nouvel environnement. Il y a peu de monde, des mamans avec leur bout de chou sont installées dans la salle d’attente. C’est très coloré. Plein de jouets sont à la disposition des enfants plus âgés qui jouent en attendant leur tour. On ne se parle pas, on se regarde en douce, on imagine les raisons pour lesquels nous sommes là. Enfin en tout cas moi je le fais, j’adore me raconter des histoires et inventer des vies à des gens que je ne connais pas. Parfois je tente de deviner leur signe astrologique, leur métier, leur passion, leurs secrets 🙂
Je suis reçue dans le cabinet par une puéricultrice qui me pose des questions sur Emma, qui la pèse, la mesure. Lorsque ma voix se met à trembler, elle s’arrête et me dit : « ah c’est vous qui avez rencontré ma collègue fin décembre dans l’autre centre ? »
Au secours ! Je suis repérée, ils m’ont identifié comme la foldingue de la ville !! La honte !
Elle me voit me décomposer et me dit « ne vous inquiétez, ma collègue nous a juste informé que vous aviez besoin d’être accompagnée et de parler. Voulez-vous rencontrer notre psychologue ? Elle consulte le mardi et le vendredi. Ça pourrait vous faire du bien. »
Bon, ça c’est fait ! Non seulement j’ai été repéré mais en plus ils ont constaté que j’étais marteau. Oui parce que ce n’est pas la même histoire lorsque vous choisissez d’aller voir un psy et lorsqu’on vous conseille d’aller en voir un. Les clichés ont la « peau dure » n’est-ce pas ?
Pourtant malgré tout ce qui se passait dans ma tête à ce moment-là, c’était encore une lumière qui s’allumait sur mon chemin. Une main qui se tendait dans ma solitude.
Mme ROCAT était trop loin de mon domicile, je ne la voyais plus depuis quelques mois. Je n’avais personne pour me garder Emma. Cette proposition me tentait, je savais, je ressentais que j’en avais besoin. J’hésitais, elle renchérit en me disant, « elle vous reçoit avec votre bébé ». Le dernier verrou saute, banco je prends rendez-vous.
Voilà une autre personne qui venait de me donner un sacré coup de main.
Alors évidemment je ne vais pas vous raconter en détail les nombreux entretiens que j’ai eu avec cette psychologue. Pourtant j’ai envie de vous expliquer comment cette petite dame m’a accompagné.
Quel que soit l’accompagnement, il est lié à une situation donnée mais aussi à votre interlocuteur. Rien ne dit que le Dr Rocat aurait eu également les bons mots sur ce sujet de maternité. En effet, à ce moment-là, nos conversations ont tourné exclusivement autour de mon nouveau statut de maman. Certes, il y avait le sujet de la prématurité, mais pas que…
Lorsque ces personnes de la PMI m’ont orienté vers ce médecin du centre, je pense qu’ils n’imaginaient pas les bagages que je trimballais.
Je me souviens qu’à cette période j’avais posé cette question à ma mère : « comment as-tu fait pour ne pas devenir folle avec plusieurs enfants ? » Ben oui, comment fait-on lorsque l’on tremble tout le temps pour son enfant, qu’on a peur de le perdre. Que quelqu’un vienne nous prendre notre bonheur ? C’est de la folie non ? Il y a de quoi exploser en vol.
Et c’est finalement là que le travail avec cette dame a été plus qu’indispensable et bénéfique. Rien n’est miraculeux bien sûr mais elle m’a ouvert les portes de la compréhension et de nouvelles perspectives auxquelles je n’avais pas pensé.
Et tout a commencé par une phrase très simple : « vous n’êtes pas votre mère et votre fille n’est pas vous ! » Ah oui quand même ! Ça paraît évident à priori. Et bien figurez-vous que non ! En tout cas pas pour moi.
Ma maman est une maman poule, je crois que je vous l’ai déjà dit. J’ai donc grandi en étant très couvée voire surprotégée. J’ai vu ma mère trembler de peur pour tout et n’importe quoi. Elle « vit » avec nous chacune de nos émotions et de nos actions. Elle a passé le bac avec chacun d’entre nous, elle a vécu ma dépression avec moi, mon divorce, mon désir d’enfant. Bref une maman quoi !
Et c’est là que je mets un bémol ! Bien sûr comme une maman. Parce qu’une maman aime ses enfants plus qu’elle-même etc… On les connait toutes ces grandes phrases qui définissent l’amour d’une maman. Parfois aussi d’un papa mais c’est plus rare. Vous me trouvez dure et sarcastique ? Peut-être, mais il n’y a rien de malveillant à tout ça. Il faut être lucide. La lucidité nous rend notre liberté.
Grandir c’est aussi voir nos parents tels qu’ils sont. Et ma mère est une femme merveilleuse, mais elle est comme tout le monde : elle a des faiblesses et des forces. Elle est humaine en bref. Elle est mon modèle et à la fois mon angoisse. Ben oui les amis, c’est hyper angoissant d’être une maman hyper vigilante, hyper disponible, hyper parfaite qui ne vit que pour ses enfants, ne respire que pour eux ! Moi je voulais en plus de ça avoir une carrière, être indépendante, défendre la veuf et l’orphelin et toutes les femmes sous le joug d’un homme. C’est beaucoup de taf dis donc. Vous imaginez?
Du coup quand cette petite dame me dit « vous n’êtes pas votre mère », elle m’a simplement rappelé que même si je ressemblais beaucoup à cette dernière, je n’étais pas elle. Il faut vraiment remettre en lumière ces aspects, nous sommes tous uniques et différents génétiquement parlant bien sûr. Mais aussi différents grâce à nos parcours de vie, à nos rencontres, et aux richesses que nous engrangeons grâce aux choix que nous faisons.
Je fis donc le choix de prendre le meilleur de ma mère et écouter mon instinct maternel. Je devais me faire confiance. Je savais que je ne voulais pas être aspirée dans ce fol amour qui allait me faire perdre la tête.
Le chemin serait long mais si je voulais que ma fille ait une vie normale. Si je voulais remplir mes objectifs de petite fille. Il fallait que j’écrive mon histoire à moi, de maman parfaite ou pas.
Tu m’inspires, tu es mon modèle je t’aime maman et ne te le dis pas assez.
Et comme elle est ma mère! Vous savez ce qu’elle fait là en me lisant?? ……..Allez je sais que vous avez deviné!! ELLE PLEURE.
Suivez moi, je vous raconte la suite dans quelques jours.
Comme quoi quelques mots peuvent tout libérer!