Et ça continue encore et encore

Et ça continue encore et encore

« La souffrance est une fêlure dans la coquille qui enferme votre entendement. »
Khalil Gibran

Victoria a fêté ses 40 ans en bonne et due forme. Elle reprend docilement le chemin de l’hôpital. C’est le cœur léger qu’elle prend ses rendez-vous pour reprendre un protocole de transfert d’embryons.

Nous sommes donc en septembre 2015 lorsque nous recommençons le traitement. Un cachet par jour du 1er au 3ème jour, puis deux comprimés du 4ème au 5ème, puis trois cachets du 6ème au 8ème jour etc., etc…Il ne faut pas se louper et en oublier un. Une vingtaine de jours plus tard arrive le transfert de deux embryons.

Autant vous dire que j’étais prête comme une sportive de haut niveau. Inquiète, certes, je n’étais pas portée par un positivisme à outrance. Mais j’y croyais et pour cela je me donnais les moyens.

Une bonne séance d’osthéo couplée (mauvais jeu de mots, je vous l’accorde) à une belle séance d’hypnose, j’arrivais le jour J en mode « warrior ». Mon Homme et moi nous installons dans cette pièce blanche et froide. Ils ont bien essayé de la rendre chaleureuse avec quelques photos. Et je dois admettre que globalement le service de PMA de cet hôpital est plutôt agréable. Ce n’est pas si impersonnel que je veux bien le dire. Mais un hôpital reste un hôpital.

Alex est assis sur une chaise inconfortable et moi je me prépare et m’installe sur la table de consultation. Je me prépare aussi mentalement. Telle une sportive de haut niveau : inspiration, expiration. Visualisation : je suis assise en tailleur face au Lac de Chalain, dans le jura.

Mes yeux se nourrissent de cette belle lumière magique, caractéristique de cet endroit où je me sens bien. Les rayons de soleil passent au travers des arbres, donnant aux feuillages une couleur verte fluorescente. Pas un nuage dans ce beau ciel bleu qui ne fait qu’un avec l’eau. Je fais partie de ce tout, de cette nature, je suis bien.

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Enfermée dans ma réalité

Enfermée dans ma réalité

“Il y a toujours mille raisons pour s’enfermer. Sortir est beaucoup plus difficile.”

Claudie Gallay/ Les Déferlantes

Écrire pour retracer le cheminement de ces dernières années, Victoria y tient comme à une bouée de sauvetage. Elle revit chaque instant, elle creuse dans sa mémoire et va chercher les moindres détails pour illustrer ses souvenirs. Elle raconte, elle se raconte, elle vous raconte l’histoire d’une jeune femme en quête de bien-être et de sérénité. Mais surtout et avant toute chose, elle veut partager, transmettre, inspirer et être utile. Petite, elle voulait changer le monde. Plus grande elle veut participer à l’amélioration de ce monde. « Ce sont les petits ruisseaux qui font les grandes rivières » lui disait souvent sa grand-mère. Aujourd’hui, elle a choisi la plume, enfin le clavier, pour apporter sa goutte d’eau et nourrir un de ces ruisseaux qui deviendra une grande rivière. Elle poursuit « ici » son dernier récit qui se terminait avec les mots suivants : « Au fond, peut être aussi, 42 années de recherche de bien-être et de sens m’ont amené ici : là et maintenant. »

 

Certainement et pourtant j’ai l’impression que tout s’est accéléré ces deux dernières années.

Je vous raconte ?

Ok mais vous constaterez assez rapidement que je reviens toujours au même sujet : devenir maman. Comme… si je ne l’étais pas déjà… Je me ficherais des baffes parfois…

Bon, alors que s’est-il passé il y a deux ans ?

Pour être plus précise, tout a commencé l’année de mes 39 ans, j’avais bien galéré avec tous les traitements hormonaux. J’avais surtout été dominée par la peur. Au fond je n’étais pas très à l’aise avec cet acharnement à tomber enceinte. J’avais tout arrêté, espérant que bébé deux vienne naturellement.

Tu parles d’un espoir ! Enfin je ne dois pas tellement croire aux miracles et l’espoir ne devait pas être très intense 🙂 Parce que lorsque ma mère me dit « tu sais mon médecin vient de me donner le nom d’un spécialiste de la stérilité à l’hôpital saint cloud, si tu veux…. »,  je prends les infos.

Oui, ça peut servir. N’oublions pas que comme le dit une grande sage marocaine (une de mes tantes) : « L’espoir fait vivre mais qui vit d’espoir meurt désespérée ». Il faut croire que moi, à cet instant, je dois être désespérée.

En effet quelques mois plus tard, j’ai 39 ans, une énième fausse couche (de quelques jours) à mon actif. La deuxième grossesse naturelle me paraît tellement peu probable que je prends rendez-vous avec ce « ponte » en infertilité.

Ce jour-là, je me rends à l’hôpital, seule, pour un premier état des lieux. Elle, oui c’est une femme, prend mon dossier sans un mot. Le sourire est superflu, on ne sait jamais, on pourrait deviner un être humain derrière sa blouse blanche. Petit bout de femme (enfin je la vois petite), à la poigne de fer, elle doit avoir 55 ans bien tassé. Les cheveux coupés au carré, blonde, elle est assise derrière son bureau dans une pièce sombre. Sévère et glaciale, elle lit mon dossier, une paire de lunettes posé sur le nez. Elle me pose 3 questions et dit : « à votre âge, en l’occurrence bientôt 40 ans, et avec votre dossier, on ne va pas procéder par étape et stimuler pour stimuler, on passe à la FIV (Fécondation In Vitro) directe ».

C’est clair et limpide comme de l’eau de roche. Ce n’est pas chaleureux mais franchement à ce stade je m’en moque. Les médecins chaleureux qui vous voient arriver avec votre détresse et votre carnet de chèques, j’ai donné. Oui je suis dure dans mes propos. Généralement je suis plutôt cool, tellement tolérante que parfois je parais même hyper docile. En réalité, si j’accorde ma confiance, je vais jusqu’au bout de mon raisonnement et me comporte donc en personne confiante. Le revers de ce type de profil, c’est que lorsque la confiance est perdue, il n’y a pas de retour en arrière possible. Ce jour-là, j’en suis là. Tellement déçue par mon dernier parcours, tellement seule dans ma détresse que je cherche un cadre avec des gens qui respectent des règles. Je ne retournerais pas chez mon médecin « de ville ». A priori ces spécialistes ne me décevront pas puisque je n’attends rien d’eux, sauf qu’ils fassent leur job d’accompagnement.

Vous voyez un peu l’état d’esprit dans lequel je suis ? Non ? Alors je continue encore un peu 🙂

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